La colonie des bleuets à Goudet




En 1952, la paroisse de Beaulieu (commune de Roche-la-molière près de Saint-Etienne) achète un vieux moulin, à l’écart du village (en fait l'ancienne usine à Chapeaux), au bord de la rivière l’Holme, par l’intermédiaire d’une association créée à cet effet. Le but de cet achat pour le curé de la paroisse, l’abbé Duplay, était d’en faire une colonie de vacances pour les enfants des mineurs de Beaulieu. À cette époque, très peu de familles de mineurs partaient en vacances, les enfants avaient besoin de vivre à la campagne pendant un mois. Pendant plusieurs années, des paroissiens et des entrepreneurs rouchons ont été « réquisitionnés » pour la rénovation du bâtiment. Certains mineurs prenaient même une semaine de congés pour y travailler bénévolement.



En 1956, la colonie ouvre sur les deux mois de vacances scolaires, juillet et août. À cette époque, pas question d’avoir des filles et des garçons ensemble à Goudet, le mois de juillet était réservé aux filles et celui d’août aux garçons. Des premiers colons qui ont fréquenté la colonie, certains sont devenus moniteurs après avoir suivi le stage à Maubourg pour obtenir le diplôme.

Pendant plus de douze ans, les enfants de la cité de Beaulieu sont venus prendre un bol d’air dans cet environnement naturel que sont les gorges de la Loire. Ensuite des groupes d’horizon différents ont utilisé la colonie. Un premier propriétaire a occupé les lieux pour en faire son dépôt et en 2001 un particulier, Louis Vey, a acheté le bâtiment pour y vivre à temps complet. Aujourd’hui, Louis Vey n’est plus là, le bâtiment est rénové et inoccupé. Sa fille, Brigitte Vey, souhaiterait que ce bien demeure dans le patrimoine rouchon.

« La colonie commençait par le rassemblement des colons pour le départ à Goudet, devant la cure de Beaulieu. Toutes les années, c’était le car Flouret qui emmenait les enfants avec une petite pause au col du Pertuis et en fin de matinée, ils arrivaient à la colonie.

À cette époque, le moniteur devait être imaginatif et débrouillard. Il ne disposait que très peu de matériel. Il devait savoir faire des costumes pour les fêtes, inventer des sketchs pour les veillées, organiser des jeux de plein air, construire des cabanes, faire des barrages sur la rivière l’Holm qui passait devant la colonie, savoir démêler les fils et les hameçons de nos apprentis pêcheurs.

Il est vrai que certaines activités (baignades improvisées, bivouac à la dure, feu de camp, passage périlleux du câble au-dessus de la Loire…) seraient difficilement envisageables aujourd’hui, compte tenu des mesures de sécurité dans notre société actuelle. Tous les jours, la petite troupe de colons avec son moniteur traversait le village en égayant celui-ci par les fameux chants de la colo. Les enfants participaient à la vie collective avec les corvées de pluches, le balayage des dortoirs, la mise du couvert pour les repas. Tout cela se faisait avec entrain et dans la bonne humeur, sous l’œil vigilant du père Duplay et des trois cuisinières Mmes Boulain, Chazal et Massard. La colo se terminait par le traditionnel match de foot entre les grands colons et les moniteurs. À la fin du mois, les moniteurs recevaient une petite gratification plutôt symbolique et tout le monde retrouvait le calme de sa maison à Beaulieu, la tête encore pleine de souvenirs ».


Selon Brigitte Vey, fille de Louis Vey, le dernier propriétaire : « Mon papa Louis, fils de mineur, a fréquenté la colonie pendant plusieurs années dès l’âge de 9 ans. Il a gardé de très bons souvenirs de ses séjours à Goudet. Il évoquait souvent avec nous la journée de visite des parents où tout le monde se retrouvait à la colonie pour passer une bonne journée. À la fermeture de la structure, mon père nous y emmenait souvent, et lorsqu’il a vu qu’elle était à vendre, il n’a pas hésité à l’acheter, dans le but de sauver le bâtiment. Pendant des années, il l’a retapé pour le rendre habitable. Aujourd’hui, il n’est plus là et nous aimerions que ce bâtiment reste dans le patrimoine de la commune de Roche-la-Molière, en souvenir des mineurs et des bénévoles qui ont participé à sa rénovation, dans les années 1960. C’est l’ancienne paroisse de Beaulieu qui en est à l’origine. Je pense que ce bâtiment pourrait être transformé en gîte, en chambre d’hôtes ou en salle de réunion avec hébergement. Sa superficie est de 650 m² habitable avec du terrain autour ».

Selon Louis Bourgin : « J’y suis monté les premières années pour la rénovation de la toiture. On restait une semaine à Goudet et on couchait dans le foin de la grange d’une ferme du village. À cette époque, j’étais jeune, je revenais de l’armée et avec les copains on faisait un peu la fête. Mon père Jean, entrepreneur de maçonnerie, aimait bien y travailler. Même en retraite, il a continué de monter à Goudet pour la rénovation de la colonie. Mon fils Jean-Marc y a séjourné pendant plusieurs années. »

Extrait du Progrès du 28 décembre 2016.


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